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La grande bouffe d'un Cinéphage Obsessionnel et Noctambule

La grande bouffe d'un Cinéphage Obsessionnel et Noctambule
  • La nuit, lorsque vous dormez tranquillement, je me transforme en cinéphage... Et je bouffe du film pendant des heures, parfois en fin gastronome, d'autres fois en me gavant jusqu'à l'écœurement de films surgelés ou réchauffés.
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La grande bouffe d'un Cinéphage Obsessionnel et Noctambule
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30 décembre 2009

L'ICEBERG un film de D.Abel, F.Gordon et B.Romy

Iceberg00L’ICEBERG
Recette de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy.
Préparée par Dominique Abel, Fiona Gordon, Philippe Martz…

Mis en boîte en Belgique, courant 2005.
Bouffé dans la nuit du 13 au 14 Juin 2009.

Larecette

Fiona (Fiona Gordon) est manager dans un fast-food. Elle vit sa morne vie dans un morne pavillon de banlieue, entourée de Julien (Dominique Abel), son morne mari, et de ses deux mornes enfants.
Une nuit, elle se retrouve malencontreusement enfermée dans la chambre froide du fast-food. Traumatisée par cet événement, elle développe une étrange fascination pour le froid et la glace.
Un matin, elle abandonne mari et enfants, rejoint la côte et embarque à bord du « Titanique » accompagnée d’un marin sourd et muet (Philippe Martz). Son but : faire cap vers le Grand Nord et vivre sur un iceberg…

Fraicheur

Regarder un film belge est bien souvent une expérience jouissivement déroutante.Iceberg02
Le cinéma de nos voisins aime en effet s’aventurer là où le nôtre ne met plus que très rarement les pieds : dans l’originalité et l’expérimentation. Malgré leur patrimoine audiovisuel plus que restreint, les belges savent en permanence réinventer leur cinéma, et lui donner des formes singulières et réjouissantes.
« L’Iceberg » en est un exemple de plus.
Il faut préciser que Fiona Gordon et Dominique Abel, réalisateurs et acteurs principaux du film, ne sont pas cinéastes. Leur métier, c’est plutôt le spectacle vivant, le travail des corps en mouvement, le cadre figé de la scène…
Pour mettre cela en image, ils se réapproprient une grammaire primitive du cinéma : celle des « Slapsticks » (courts métrages burlesques), où la caméra n’est qu’un œil immobile et où c’est le corps qui met l’image en mouvement.
Iceberg03Alors que la plupart des films français actuels se résument en une succession de plans serrés, sur des visages censés suinter d’émotion, « L’Iceberg » s’inscrit à l’exact opposé. Presque chaque plan du film est un plan large, minutieusement composé, qui permet au corps des acteurs d’utiliser l’espace le plus intelligemment possible.
Bien loin d’intellectualiser cette démarche, Dominique Abel et Fiona Gordon s’en amusent et en font parfois même, un moteur comique.
C’est le cas, par exemple, lorsqu’au lieu d’un simple mouvement de caméra, ils font se déplacer artificiellement tout un groupe de figurants, pour qu’au second plan, les personnages principaux soient toujours visibles.

Comme le prouve cet exemple, le travail sur les profondeurs de champs est particulièrement intéressant. Dans nombre de séquences, le Iceberg04second plan sert de cachette. Des personnages y apparaissent comme par magie, alors qu’ils étaient cachés par un élément du premier plan.
Mais il permet surtout de faire cohabiter deux personnages dans un même cadre sans que pour autant ils se croisent. D’où une accumulation burlesque de rendez-vous ratés et de fuites involontaires.
Inversement, beaucoup de plans n’ont aucune profondeur de champs. Les personnages sont condamnés à se déplacer de gauche à droite, ou de droite à gauche, dans un univers qui semble désespérément plat. Le cadre étant fixe, on les sent prisonniers lorsqu’ils sont seuls (Fiona dans la chambre froide), ou forcés à la collision et à la promiscuité lorsqu’ils sont plusieurs (les séquences de bateau).
Iceberg05
L’univers sonore est aussi soigneusement réfléchi. Les personnages étant muets et leurs actions étant des plus primaires, les sons de la vie quotidienne paraissent amplifiés, surmixés et concourent au burlesque des situations. On ne peut s’empêcher de penser à Jacques Tati d’autant que, comme lui, les réalisateurs s’amusent à rendre incompréhensibles les phrases parlées. Ainsi, la narratrice de la première séquence s’exprime en Inuit, les employées du fast food par des onomathopées anglaises, Fiona exprime son mal être en parlant, la tête enfouie dans un oreiller… Le résultat est bien souvent hilarant.
La magie cesse pourtant de fonctionner, lorsque les personnages prononcent des paroles intelligibles. Les acteurs jouent faux, et même si c’est parfois touchant (les monologues de la grand-mère), c’est bien souventIceberg06 agaçant ( la répétition sans fin des « Mais t’es où ? », le dialogue de réconciliation…).

« L’Iceberg » est en effet loin d’être un film parfait. Il a beau présenter un univers des plus attachants et il a beau être intéressant d’un point de vue esthétique, la trame du film est beaucoup trop décousue. Les séquences s’enchaînent sans réelle cohérence. Pire, elles ne sont parfois que prétexte à développer des gags dont l’intérêt est plus que discutable. Si bien qu’on finit par avoir l’impression de visionner un film à sketches.
Et comme dans tout film à sketches, il y a du bon et du moins bon…

« L’Iceberg » était le premier film de Fiona Gordon et Dominique Abel, épaulés par leur ami réalisateur, Bruno Romy. Depuis, ils ont récidivé avec « Rumba », un film beaucoup plus structuré mais tout aussi déjanté.
Nul doute que leur troisième film sera un chef-d’œuvre et que ces deux-là vont devenir de très grands faiseurs d'images…

Laisse_sur_sa_faim


Quelquesmiettes

(A venir)

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4 août 2009

FISH AND CHIPS un film de Damien O'Donnel

Fish00TitreFish_chips

Recette de Damien O’Donnel.
Préparée par Om Puri, Linda Basset, Jimi Mistry...

Mis en boîte en Angleterre, courant 1999.
Bouffé dans la nuit du 12 au 13 juin 2009.

Larecette

1973 - Georges Kahn (Om Puri), pakistanais d’origine, est l’heureux propriétaire d’un Fish and Chips à Salfort, dans le nord de l’Angleterre. Surnommé Genghis Kahn par ses enfants, il essaie de faire d’eux des musulmans modèles...
Mais lorsqu’il se met à leur organiser des mariages arrangés, c’est toute la famille qui semble au bord de l’implosion.
Et sa femme, Ella (Linda Basset), anglaise pure souche, a beau l’aimer, elle veut avant tout le bonheur de ses enfants...

Fraicheur

« Fish and Chips » est un film d’une incroyable justesse. Sous ses faux airs de comédie sans prétention, il aborde un problème social très particulier: la difficile intégration des Pakistanais dans l’Angleterre des années 70. (dis comme ça, on croirait le titre d’une thèse de sociologie...)Fish06
Bien que réalisé par un anglais , ce film est librement adapté d’une pièce autobiographique d’Ayab Kahn-Din; une pièce qui a connu un grand succès à Londres.
Loin d’effacer ce côté autobiographique, Damien O’Brien filme cette chronique familiale en adoptant une véritable démarche naturaliste. Sa réalisation est maîtrisée mais sans esbroufe; la caméra semble plus s’adapter aux personnages, que les contraindre à des impératifs esthétiques; les couleurs délavées collent parfaitement à l’esthétique seventies et donnent aux images leur aspect documentaire,  non truqué.
C’est cette impression de chronique autobiographique qui rend le film si sincère et si touchant.

Fish05Dans sa première partie, « Fish and Chips » semble, en effet, être une étude de moeurs, légère et décomplexée, des Pakistanais d’Angleterre. L’étude de toute une communauté ramenée au microcosme de la famille Kahn.
Chaque membre de cette famille est en effet le stéréotype d’un courant de pensée ou d‘une problématique sociale: le père qui veut à tout pris imposer les traditions pakistanaises à ses enfants, quitte à les renier; son premier fils qui le suit aveuglément pour ne pas le froisser; son second fils qui essaye de s’intégrer au mieux à la jeunesse anglaise, quitte à renier ses origines; sa femme, anglaise pure souche, qui met en avant les incompréhensions culturelles des couples mixtes; son voisin, symbole d’une Angleterre repliée sur elle-même, qui a peur de « l’autre »...
Ces personnages n’ont pas de réelle individualité; ils sont des allégories...

Mais lorsque le père se met à arranger des mariages à deux de ses fils, le film passe de l’étude de moeurs de toute une communauté, à un drame familial en huis clos. Alors que la famille Khan implose, lesFish03 personnages qui n’étaient jusqu’ici que des stéréotypes ambulants, simples moteurs de situations comiques, prennent consistance. Et on entre sans l’avoir vu venir dans le traquenard en clair-obscur d’une tragi-comédie.
Avec comme pilier central, un personnage que n’aurait pas renié Shakespeare: Georges Kahn.
Très justement surnommé Genghis Kahn par ses enfants, il leur impose les traditions d’un pays qui n’est pas le leur. Ce n’est pas par conviction qu’il le fait -puisque lui-même a épousé une anglaise- mais pour une question d’honneur.
Loin d’être caricatural, son personnage est bien plus complexe qu‘il n‘y paraît. Il est un émigré, perdu entre deux pays, entre Fish08deux cultures... Mais il est aussi un père tiraillé entre l’amour de sa famille et les codes d’honneur de sa communauté.
Chaque personnage, d’ailleurs, possède sa propre dualité, que la magnifique bande originale vient souligner dans un mélange de rythmes pakistanais et british.

« Fish and Chips » a été un véritable succès public en Angleterre. Et même si son sujet peut nous paraître lointain, cette chronique parle avant tout de famille, d’éducation, de rapports père/fils, de choc des cultures, et elle en parle avec tant de force et de sincérité qu’on ne peut qu’être touché.

Bonnebouffe


Quelquesmiettes

(A venir)

27 juillet 2009

CYPHER un film de Vincenzo Natali

Cypher00TitreCypher

Recette de Vincenzo Natali.
Préparée par Jeremy Northam, Lucy Liu...

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 2002.
Bouffé dans la nuit du 08 au 09 juin 2009.

 Larecette

Afin de donner du sens à terne existence, Morgan Sullivan (Jeremy Northam) se fait engager par Digicorp, une étrange multinationale, comme espion industriel.
Envoyé aux quatre coins des Etats-Unis pour infiltrer des séminaires, il fait la rencontre de Rita (Lucy Liu), une mystérieuse jeune femme qui le met en garde: Digicorp le manipule et tenterait de lui laver le cerveau...

Fraicheur

Après le succès phénoménal de son Cube et avant l’échec cuisant de Nothing, Vincenzo Natali nous présentait Cypher.Cypher03
Alors que Cube jouait sur l’économie des moyens de narration (décor unique, nombre de personnages restreints...), Cypher s’inscrit à l’exact opposé.
Malgré un budget minuscule de 7 millions d'euros, ce film est un catalogue plus qu’exhaustif de décors et de personnages. Chaque nouvelle séquence apporte avec elle un nouveau décor, et le nombre de personnages qui y gravitent est tout simplement pharaonique: cinquante trois personnages parlants selon Brian King, scénariste du film (je dois avouer ne pas avoir eu la patience de vérifier ce chiffre...).
Contrairement à son premier film, Natali n’a, en effet, pas signé le scénario de Cypher. Un scénario à multiples tiroirs, qui déploie une intrigue kafkaïenne et s’amuse à perdre le spectateur pour mieux abattre ses cartes lors du dénouement. Un scénario qui aurait pu être grandiose, mais que tout un tas de petits détails viennent saboter.

Cypher06La première partie du film est pourtant prometteuse. Vincenzo Natali et Brian King nous y dépeignent un univers futuriste, qui nous semble étrangement familier.
De grandes multinationales y ont pris le pouvoir et se livrent à une guerre sans merci; aux quatre coins des Etats-Unis, les lieux qui nous sont présentés sont identiques, formatés; les gens qui y gravitent, aussi... Vincenzo Natali ironise d’ailleurs, en disant de cet univers qu’il est « notre monde dans un quart d’heure »...
Pourtant, à bien y regarder, c’est plutôt une réalité alternative qui nous est présentée: un monde Brazilien débarrassé de son côté onirique et poétique; un monde ouvertement influencé, aussi bien dans son esthétique que dans le traitement des personnages, par le cinéma classique d’espionnage.
On pense d’ailleurs à La mort aux trousses quand la machination commence à ballotter Morgan dans tous les sens. Une référence qui fera plus tard l’objet d’un rapide clin d’oeil, lorsque abandonné par un taxi, Morgan se retrouvera sur une route déserte bordée de champs.

Cypher04

Malgré ce début prometteur, le film déraille lorsque la machination s’amplifie et qu’un troisième camp entre en jeu.
Comme Morgan, on nage en pleine incompréhension; on ne sait plus qui sont ses alliés, qui sont ses ennemis... Mais, contrairement à lui, notre vie ne dépend pas de cette compréhension. Et on se lasse rapidement des retournements de situation en série, uniquement conçus pour nous mener en bateau.

Le point de non-retour se produit lorsqu’apparait l’ascenseur qui mènera Morgan au coeur de la machination. Ce n’est pas, ici, au niveau du scénario que le bât blesse, mais bel et bien au niveau de la direction artistique. L’ascenseur ressemble en effet à un étrange suppositoire géant tout droit sortit des entrailles de la terre.
Il aurait pu être une kitscherie James Bondienne à tendance seventies... Il aurait pu être un gag visuel hilarant dans un hypothétique Austin Powers 4... Ici, il nous fait complètement sortir du film, alors que notre attention avait déjà été mise à mal par un scénario trop alambiqué.

Cypher07La suite a beau compter de jolis moments, le coeur n’y est plus, et l’ultime rebondissement, censé nous arracher un « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » nous laisse complètement indifférent.
Que penser alors de l’épilogue sur le voilier si ce n’est qu’on frôle le ridicule ?
Il faut dire que pour cette séquence, Vincenzo Natali a véritablement déconné... On s’étonnerait à peine s’il nous avouait, gêné, s’être inspiré de Sexcrimes ou autres joyeuseté érotico-loréalisante...
Paradoxalement, cette ultime séquence est, aussi bien esthétiquement que scénaristiquement, cohérente avec tout ce qui a précédé.

Cypher05

Cypher, en effet, est en permanence centré sur le personnage de Morgan. C’est donc en toute logique que le monde qui l’entoure nous est montré, non de manière réaliste, mais tel que ce personnage le perçoit. D’où un travail expressionniste sur les couleurs.
Alors qu’au début du film, Morgan tente d’échapper à son morne quotidien, le monde qui l’entoure nous est montré dans tout ce qu’il a de plus terne: les couleurs y sont désaturées, tous les matériaux utilisés pour les décors sont blancs... Un monde à la limite du traitement monochromatique.
Plus le scénario évolue, plus Morgan retrouve son identité, et plus le monde qui l’entoure devient chaleureux: les couleurs y sont de plus en plus présentes; les matériaux des décors se diversifient pour créer une atmosphère plus tamisée...
Cypher08C'est alors qu'arrive cette dernière séquence aux couleurs criardes, qui accumule les stéréotypes. C’est de là, justement, que vient le problème: en retrouvant son identité, Morgan a perdu son âme. Il n’est plus qu’un stéréotypes sur pattes: un bourgeois autosuffisant, qui porte des lunettes de soleil de luxe, fume des cigarettes de luxe, boit du scotch pur malt de luxe, sur un voilier de luxe...
Et l’on regrette amèrement de nous être attaché à ce personnage qui est, finalement, le parfait exemple de ce que l’on ne veut surtout pas être (enfin, j’espère pour vous... Sinon, il vaut mieux qu’on ne se rencontre jamais...)

 Laissesursafaim


 Quelquesmiettes

(A venir)

15 juillet 2009

NORTHFORK un film des frères Polish

Northfork00TitreNorthfork

Recette de Mark et Michael Polish.
Préparée par James Woods, Nick Nolte, Peter Coyote…

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 2002.
Bouffé dans la nuit du 11 au 12 juin 2009.

 Larecette

1955 - Il ne reste que deux jours avant que Northfork, petite ville du Montana, soit engloutie par les eaux d’un barrage. Envoyés par le gouvernement, des hommes en noirs sont chargés de déloger les derniers irréductibles…

 Fraicheur

On est d’abord happé par la beauté des images. Du plus serré au plus large, chaque plan estNorthfork04 minutieusement cadré, minutieusement composé, minutieusement étalonné...
Parlons d'étalonnage justement. Un outil magique qui permet de retravailler la colorimétrie en post-production, et dont  beaucoup de mauvais réalisateurs abusent pour donner intérêt et consistance à des images qui n’en ont pas. Le travail de l’étalonneur se résume dans ces films à booster mécaniquement les contrastes, saturer les couleurs et surdoser la tonalité que l’on veut faire ressortir (le vert étant fort en vogue depuis le succès de la trilogie Matrix).
Dans Northfork, les frères Polish, en bons faiseurs d'images, font un travail beaucoup plus subtil.
Ils désaturent tout d’abord les couleurs pour donner à l’image un aspect sépia (renforcé par la teinte beige du désert, la teinte marron des maisons de bois…). Ils poussent même parfois cette désaturation jusqu’aux limites d’un noir et blanc renforcé par la Northfork05teinte grise du béton, le costume des hommes en noir et les nuages, noirs eux aussi, se détachant de ciels laiteux. Ce traitement donne au film un aspect vieilli, délavé, rendant ainsi l’univers moins réaliste, plus imagé… Ce rendu pictural étant propice aux apartés oniriques qui parsèment le film.
Les frères Polish jouent aussi énormément sur les contrastes visuels. Ainsi, la silhouette des hommes en noir se détache véritablement des décors et paysages. Ils sont comme des ombres menaçantes…
Au contraire, les derniers habitants de Northfork semblent se fondre avec leur terre. Ils sont comme des spectres qui hantent les lieux…

Northfork02

Sans entrer plus loin dans les interprétations symboliques, on constate que les frères Polish ont effectué un travail poussé et intelligent sur leurs images. Un travail proche de celui du peintre.
Il n’est d'ailleurs pas étonnant de trouver des références à Dali (notamment avec cette étrange créature sur échasse qui arpente le désert), ou encore à Magritte (avec la silhouette des hommes en noir se détachant sur de vastes horizons).

N’ayant bénéficié que d’un budget de 1,5 millions d’euros (une broutilles pour un film américain ou même français, de cet ampleur. Si on le compare gratuitement à « Le code à changé », un film qui se résume à un mièvre huis-clos dans un appartement parisien, et qui a coûté 20 millions d’euros, on peut affirmer que, oui, il existe bien une exception culturelle française et qu’elle sent l’arnaque à plein nez. Mais je m’égare… Je m’égare… Et lorsque je vais fermer ma parenthèse, vous risquez d’avoir oublié le début de la phrase, d’où un rappel obligé), avec leur budget de queues de cerises, donc, les frères Polish ont judicieusement opté pour le dépouillement.
Northfork07Les décors sont peu nombreux et sont blottis au creux de vastes horizons désertiques. Pourtant, chacun d’eux est travaillé en profondeur, aussi bien par l'esthétique que par la narration, afin d'être sublimé.
De la chapelle dont le chœur n’a pas de mur et s’ouvre sur l’extérieur, au cimetière dont tous les corps ont été déterré et qui n'est plus qu'un alignement de trous; du barrage de béton qui sert de sépulture à un ouvrier enseveli par accident, à l’arche de Noé moderne remplie d’animaux empaillés… chaque décor est mémorable et porte en lui tout un monde.
Certainement pour des questions budgétaires, la petite ville de Northfork ne nous est jamais présentée dans sa globalité, mais par de multiples fragments. C’est au spectateur de rassembler ces fragments et de s’imaginer à quoi peut bien ressembler cette ville qui n’en n’est pas une en apparence.

Là où le bât blesse, c’est que la narration est elle aussi développée dans cette optique de dépouillement etNorthfork03 de fragmentation.
Le récit n’est qu’une succession de micro histoires mettant en scène des personnages tout juste esquissés. Le tout baignant dans un ramassis de symboles mystiques. Les frères Polish ne nous donnent jamais de clés pour les décrypter, et on finit par les prendre pour des imposteurs: de grands esthètes, incapables de raconter une histoire, et cachant leur incapacité derrière un flot de symboles vaseux.

Soyez donc prévenu... Northfork est le genre de film qui vous procure une profonde frustration cinéphilique.
Un film d’une rare beauté plastique, au synopsis plus qu’alléchant, mais qui n’a finalement rien à dire, ou du moins rien d’intelligible…

Sentler_chauff_


 Quelquesmiettes

(A venir)

9 juillet 2009

HOLD-UP A LA MILANAISE un film de Nanni Loy

Holdup01HOLD-UP A LA MILANAISE (Audace colpo dei soliti ignoti)

Recette de Nanni Loy.
Préparée par Vittorio Gassman, Renato Salvatori…

Mis en boîte en Italie et en France, courant 1959.
Bouffé dans la nuit du 06 au 07 juin 2009.

 Larecette
Pépé la Panthère (Vittorio Gassman) se voit proposer une affaire en or : détourner un fourgon transportant les recettes du Totocalcio, un jeu de paris sur les matchs de football.
Recrutant une bande de braqueurs du dimanche, il prépare « scientifiquement » son plan dans les moindres détails.
Mais rien ne va se dérouler comme prévu…

Fraicheur

Voilà… Il fallait que ça arrive… La page blanche… J’ai eu beau me remuer les méninges, impossible de trouver quoique ce soit à dire sur ce film tant il n’y a rien à en dire.
Pour tout vous avouer, j’ai visionné ce film il y a deux semaines à peine, et je ne me souviens pas l’avoir vu…Holdup02
Pour écrire une critique constructive et comprendre le pourquoi de cette amnésie, un deuxième visionnage s’impose donc.

Une heure quarante-cinq plus tard...

Hold-up à la milanaise est loin d’être un mauvais film. Il est même plutôt plaisant à regarder.
Pourtant l’intrigue y est trop fonctionnelle. Les fils dramatiques y sont trop visibles voire prévisibles. Tout semble calculé, paramétré.
A bien y regarder, Hold-up à la milanaise est la suite d’un film à grand succès : Le Pigeon et il s’agit purement d’un film de commande, conçu pour répéter le succès de ce premier « épisode ».
D’où cette impression de film peu spontané, qui semble répondre à un cahier des charges bien précis…

Holdup03Même les personnages sont construits dans cette logique fonctionnelle. Ils possèdent chacun un trait de caractère principal, mais pas de véritable personnalité, de profondeur psychologique. Ils existent au sein du groupe de pieds nickelés qu’ils forment, mais pas dans leur individualité.
Seul le personnage d’Ugo sort de cette logique et prend consistance lors de quelques séquences de vie quotidienne. Des séquences d’une modernité étonnante, où il se bat contre son ex-femme pour la garde de son fils.

Même s’il faut gratter un peu, et qu’il ne sert que de toile de fond, le contexte social est d'ailleurs très joliment dessiné dans Hold-up à la milanaise.
Ce film fait typiquement partie des « comédies à l’italienne », et même s’ils n'y sont pas encore « affreux, sales et méchants », les personnages n’en sont pas moins touché par Holdup04le chômage et obligés d’être lâches, menteurs et escrocs pour avoir une chance de s’en sortir.

L’esthétique du film, par contre, ne tient en rien de cette fameuse « comédie à l’italienne ». La lumière, les cadrages, la musique de Chet Baker ; tout fait référence au film noir américain des années 40.
En maniériste appliqué, Nanni Loy tente de faire évoluer ses personnages loufoques dans cet univers froid et codifié. Mais ce décalage, qui aurait pu être un ressort comique intéressant, produit hélas l’effet inverse. Le cadre trop figé, affadi la loufoquerie des situations et des personnages.
On voudrait parfois qu’ils contaminent le monde dans lequel ils évoluent, mais c’est l’inverse qui se produit. Si bien que les gags finissent un à un par tomber à l’eau.

Holdup07

C’est Franco Cristaldi, producteur du Pigeon, qui a poussé Nanni Loy à réaliser cette suite, lui promettant de financer Les partisans attaquent à l’aube, un projet beaucoup plus personnel.
Nanni Loy avouera lui-même que son travail sur Hold-up à la milanaise n’aura été qu’un travail technique.
D’où cette impression de regarder un film réalisé sans réelle conviction artistique. Un film à classer dans la catégorie « aussitôt vu, aussitôt oublié ».

Aigreursdestomac


 Quelquesmiettes

(À venir)

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1 juillet 2009

MIMIC un film de Guillermo Del Toro

Mimic00TitreMimic

Recette de Guillermo Del Toro.
Préparée par Mira Sorvino, Jeremy Northam, Giancarlo Giannini…

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 1997.
Bouffé dans la nuit du 05 au 06 juin 2009.

Larecette

Une épidémie, transmise par les cafards, ravage New York et condamne tous les enfants de la ville. Appelée à la rescousse, Susan Tyler (Mira Sorvino), entomologiste et généticienne, met fin à cette menace. Grâce à ses « Judas », des insectes génétiquement modifiés, elle réussit en effet à éradiquer les cafards porteur de la maladie.
Pourtant, trois ans plus tard, alors que cette épidémie n’est plus qu’un mauvais souvenir, les « Judas », conçus pour mourir dans les six mois, sont toujours bien vivants. Pire… Ils se sont multiplié et ont muté en une espèce carnassière…

Fraicheur

« Mimic »… pas vraiment le titre le plus glamour de l’histoire du cinéma…
Une accroche des plus ridicule: « Dans les bas-fonds du métro de New York, quelque chose a survécu… » Prononcé avec une voix bien rauque, on se croirait dans un mauvais nanar.
Pourtant rien que voir le nom de Guillermo Del Toro sur la jaquette me met l’eau à la bouche et me rend hystérique.

Au vu du générique de début, le film s’annonce grandiose. Il faut dire que le concepteur de ce générique n’en est pas à son coup d’essai. Kyle Cooper s’est déjà fait la main sur le générique de « Seven » pour neMimic01 citer que celui-là. Il frôle ici le sublime avec un montage épileptique de plans d’insectes vivants ou épinglés, de photos d’enfants elles aussi épinglées, d’articles de journaux… Le tout dans des tons vieillis, et accompagné d’une musique majestueuse.
L’ambiance qui est posée ici est celle d’un conte morbide.
Les premières séquences du film vont d’ailleurs dans ce sens: l’hôpital pour enfants n’a rien de réaliste et ressemble plus au dortoir de l’orphelinat de « L’échine du diable » (film que Guillermo Del Toro réalisera quelques années plus tard); la séquence où Susan introduit les « Judas » dans les égouts remplis de cafards est traitée de façon intemporelle et stylisée, toujours dans cet esprit de conte…
Et puis…
Et puis, soudain, le film perd cette ambiance et se veut plus réaliste. Seul l’enfant autiste et son père sont encore développé dans cet esprit de conte intemporel, et finissent par sembler complètement hors sujet.
Comme si Gepetto et Pinocchio erraient dans le New York contemporain…

Mimic02A la recherche de documentation sur « Mimic », je suis tombé par hasard sur le commentaire d’un spectateur déçu; un commentaire loufoque mais finalement symptomatique du traitement réaliste que Guillermo del Toro donne à son film.
Ce spectateur essaie de prouver, arguments scientifiques à l’appui, que les « Judas » n’ont pas pu muter aussi vite et qu’il est impossible qu’ils aient développé le mimétisme humain.
Extrait: « L’évolution est un processus bien plus complexe et surtout bien plus long, en particulier pour un changement de phénotype aussi spectaculaire et aussi avantageux pour l’espèce. »
Bien sûr, on pourrait lui répondre qu’il ne s’agit que d’un film et qu’il ne faut pas y chercher de logique scientifique. Mais on aurait tort, car ce n’est pas la question du « vrai » que met en avant ce commentaire, c’est la question du « vraisemblable ».

Dans les premières séquences, alors que le film baigne encore dans une atmosphère de conte, on nous pousse à croire en une épidémie qui décimerait tous les enfants de New York. Le conte étant propice à ce genre d’évènement étrange et tragique, on y croit aveuglément sans y chercher de justification scientifique.
Cette épidémie n’a rien de « vrai », de réaliste, mais elle nous paraît « vraisemblable » puisque cohérenteMimic03 avec l’univers au sein duquel elle se produit.
Lorsque ce même univers devient plus réaliste, le donne change. On nous pousse à croire aux « Judas », à leur mutation, à leur mimétisme… Mais le personnage principal étant scientifique, et le monde représenté étant sensiblement le nôtre, on ne peut plus croire aveuglément; on veut entendre des explications plausibles qui, même si elles n’auront rien de vrai, paraîtront au moins « vraisemblables ».
Or, ces explications n’arrivent jamais, ou sont bâclées en quelques répliques incohérentes.
Si bien qu’on finit par ne plus croire en l’histoire qu’on nous raconte…

Mimic06Le traitement des créatures participe aussi à ce manque de vraisemblance. Si Guillermo Del Toro avait travaillé l’atmosphère de conte tout le long de son film, les créatures auraient plus facilement trouvées leur place, et auraient paru plus crédibles.
Au contraire, dans l’environnement réaliste qu’il développe, elles paraissent complètement artificielles, et frôlent parfois le ridicule.

Malgré ces maladresses, on ne peut qu’admirer les talents visuels de Guillermo Del Toro. Tout et parfaitement cadré, parfaitement rythmé… Ce film n’est que son deuxième film mais on sent déjà naître le grand faiseur d’images qu’il va devenir avec « L’échine du diable » ou « Le labyrinthe de Pan ».

Guillermo del Toro a souvent renié « Mimic », accusant les producteurs de lui avoir mis des bâtons dans les roues, en lui imposant un budget des plus serrés, et en retravaillant des séquences complètes du script.
C’est d’ailleurs Harvey Weinstein, co-producteur du film, surnommé « Harvey aux mains d’argent » par la profession, qui aurait complètement fait remonter le film et qui aurait imposé cette Happy End d’une débilité déconcertante…

Laissesursafaim


Quelquesmiettes

Le générique de début et le personnage de l’enfant autiste.

26 juin 2009

YOU KILL ME un film de John Dahl

Kill00TitreYoukillme

Recette de John Dahl.
Préparée par Ben Kingsley, Téa Léoni, Luke Wilson…

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 2006.
Bouffé dans la nuit du 02 au 03 Juin 2009.

 Larecette

Frank Falenczyk (Ben Kingsley) est tueur professionnel à Buffalo, pour le compte d’un gang polonais. Problème: Frank est un alcoolique chronique.
Après un assassinat raté, qui remet en cause l’existence même de son gang, Frank est envoyé à San-Fransisco pour se faire oublier quelques temps et soigner son problème.
Entre ses réunions d’Alcooliques Anonymes et son nouveau job aux pompes funèbres, Frank va réapprendre à vivre sobre…

Fraicheur

Comment un pitch aussi intriguant et sympathique a-t-il pu engendrer un film aussi insipide?
Ce n’est pas que « You kill me » soit un mauvais film. Il est même plutôt attachant dans son genre. Le problème, c’est qu’il laisse une impression d’anecdotique. Aussitôt vu, aussitôt oublié.
Essayons de comprendre pourquoi…

Kill04

L’accroche de l’affiche nous promettait une « comédie meurtrière ». A bien y regarder, le personnage principal a beau être  tueur, il est plutôt avare en victimes. Et les quelques scènes de tuerie sont loin d’être de grands moments d’humour. Au contraire, elles sont d’une froideur glaçante…
Une fois de plus, on a essayé de coller à un film une appellation certes aguicheuse mais complètement mensongère.

« You kill me » est en réalité un assemblage plus ou moins heureux de trois genres cinématographiques:
- la comédie désabusée, tel que la conçoit Woody Allen dans nombre de ses films.
- la comédie romantique, avec son lot habituel de situations loufoques.
- le film de gangsters au sens le plus strict du terme.

On peut aisément relier ces trois genres aux trois grandes strates narratives qui constituent le scénario:
- Frank face à lui-même tente de combattre son alcoolisme (comédie désabusée).
- Frank tombe amoureux de Laurel (comédie romantique).
- Frank tente de sauver son gang, menacé par un gang adverse (film de gangsters).

Kill01Face à cette multiplicité des genres et, par extension, des strates narratives, l’imbrication a du mal à se faire.
Lorsque l’une des strates narratives est développée, on a tendance à oublier les deux autres. Pour éviter que cela ne soit trop fréquent, les scénaristes ont parsemé les dialogues de répliques artificielles qui ne sont là que pour rappeler à ceux qui l’ont oublié en chemin que Frank est bien un tueur, et que même s'il a toujours l’air sobre, il est alcoolique…
Comble de la maladresse, les scénaristes vont encore plus loin.
Lorsque l’intrigue focalise trop longtemps sur la romance ou le combat contre l’alcoolisme de Frank, et qu’on finit par en oublier qu’il fait partie d’un gang, ils sortent de leur chapeau des séquences du type: « Pendant ce temps, à Buffalo… ».
Bien sûr, ces séquences qui rythment le film à intervalles réguliers, servent de compte à rebours et permettent d’introduire la dernière partie du film... Elles n’en sont pas moins maladroites pour deux raisons.
Tout d’abord, le changement brutal de genre (comédie/film de gangsters) est tellement violent qu’on a l’impression d’avoir changé de film. Pire… Alors que ces quelques séquences sur la guerre des gangs qui fait rage à Buffalo sont censées peser comme une épée de Damoclès sur la tête de Frank, elles semblent tellement faire partie d’une autre histoire qu’elles en deviennent artificielles.
Deuxième maladresse de ces séquences: alors que tout le film gravite autour de Frank, personnage qui apparaît en permanence à l’image, ces quelques minutes où il est absent ont plus le goût d’une astuce scénaristique destinée à préparer le dénouement, que celui d’un déroulement logique de l’intrigue.

Kill03

Cette collision maladroite des genres et des strates narratives trouve son apogée lors du climax dramatique où Frank, en pleine réunion d’Alcooliques Anonymes, menace de se faire liquider par le tueur d’un gang adverse, mais est sauvé in extremis par son amour, Laurel.
Romance, film de gangsters et comédie s’entrechoquent ici de manière invraisemblable.
Que Laurel soit aussi habile qu’une tueuse aguerrie paraît surréaliste. Que le lieu soit une salle de réunion d’Alcooliques Anonymes, affadie le grand drame meurtrier qui s’y joue.
On voudrait y croire tant le personnage de Frank nous est sympathique, mais rien n’est fait pour nous y aider.

Attardons-nous un peu sur ce personnage de Frank Falenczyk, interprété avec talent par Ben Kingsley. Avec sa « gueule » et sa dégaine si particulière, il est réellement attachant mais n’arrive pas à être ce qu’il aurait pu être: un personnage charismatique qui continue de vivre dans nos têtes bien après la fin du film.
Deux raisons à cela.
Kill05La première est que Frank est d’une passivité déconcertante. Il subit l’alcool, son destin… Il ne semble être qu’un pantin que manipulent les gens qui l’entourent pour le meilleur et pour le pire.
Beaucoup de films utilisent pourtant ce genre de personnage. Mais il arrive toujours un moment où celui-ci se réveille et prend en main sa propre histoire.
Ici, ce changement ne se produit que timidement en toute fin de film. Difficile donc pour le spectateur, de s’identifier à ce personnage qu’on a envie de secouer pour qu’il réagisse un peu.
D’autant plus, et c’est là son deuxième problème, que Frank manque cruellement de profondeur. Ben Kingsley a beau lui donner corps et le faire exister physiquement, on se rend bien vite compte du grand vide qui se cache derrière cette façade.
Auncun indice ne nous est donné sur ce qu'il était avant le début de l'intrigue. Pire… Un épilogue complètement inutile nous empêche d’imaginer nous même ce qu’il deviendra après le mot « Fin ».
Frank naît au début du film et disparaît sans laisser de trace lorsque débute le générique de fin.

Deux choses sont toutefois à retenir dans ce film. La musique, tout d’abord. Une musique d’Europe de l’Est qui sait se montrer à la fois grave et légère, joyeuse et mélancolique, et qui réussit le défi de coller parfaitement aux trois genres qui constituent le film. Elle est finalement le fil conducteur quiKill02 empêche le film de tomber en morceaux.
Le montage, ensuite, est tout simplement fascinant.
Alors que les séquences du film jouent sur la lenteur, le rythme du montage est, lui, plutôt enlevé. Les plans se succèdent rapidement pour replacer les personnages dans leur environnement, multipliant les inserts et les points de vue différents.
Ceci pour que l’œil du spectateur ait toujours quelque chose de nouveau à voir même dans les séquences les plus banales et les plus statiques.
C’est un véritable travail d’orfèvre qui témoigne d’un grand sens du rythme chez le réalisateur.

Le scénario de « You kill me » a croupi pendant huit ans dans un tiroir avant d’être porté à l’écran. Peut-être aurait-il du y rester car malgré un bon réalisateur, de bons acteurs, une bonne bande-originale… cette histoire n’a décidément rien de très palpitant…

Sentler_chauff_


Quelquesmiettes

Frank qui travaille aux pompes funèbres, rencontre Laurel lors d’une mise en bière. Une fois la cérémonie terminée, il raccompagne celle-ci jusqu’à sa voiture.

LAUREL
Ma mère vous aime bien, on dirait…

FRANK
Elle a traversé beaucoup de choses.

Un temps. Laurel s‘apprête à rentrer dans sa voiture.

FRANK
A bientôt, peut-être.

LAUREL (se retournant brutalement)
Je n’espère pas! Maman tient encore la forme et je suis en parfaite santé…

FRANK
Si personne ne meurt, on pourrait aller prendre un café.

LAUREL
Bien sûr… Ce serait bien…

Et elle rentre dans sa voiture.

20 juin 2009

LA HUITIEME FEMME DE BARBE-BLEUE un film de Ernst Lubitsch

Huitieme00LA HUITIEME FEMME DE BARBE-BLEUE (Blubeard’s Eighth Wife)

Recette de Ernst Lubitsch.
Préparée par Claudette Colbert, Gary Cooper…

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 1938.
Bouffé dans la nuit du 01er au 02 Juin 2009.

Larecette

A Nice, Michael Brandon (Gary Cooper), millionnaire américain en vacances, tombe sous le charme de Nicole (Claudette Colbert), une aristocrate française ruinée.
Folle amoureuse, elle accepte lorsqu’il lui demande sa main.
Mais, apprenant le jour de son mariage que Michael a déjà divorcé sept fois et qu’elle devient sa huitième femme, Nicole met au point un plan diabolique pour assurer ses arrières…

Fraicheur

Que dire de ce film? Pour être honnête, pas grand-chose… « La huitième Huitieme01femme de Barbe-bleue » est d’une fadeur sans nom. Comprenez qu’on s’y ennuie ferme…
Lubitsch avait pour sale manie de développer ses films à partir d’œuvres littéraires mineures: ici, un sombre vaudeville français que la postérité a oublié il y a bien longtemps.
Et même si Billy Wilder, co-scénariste du film, s’est évertué à passer ce texte à la moulinette, le résultat n’est pas des plus glorieux. Il n’est finalement qu’un catalogue caricatural des boires et déboires amoureux d’un couple bourgeois.
Les deux personnages principaux y sont complètement instables, et font basculer toutes les cinq minutes leur relation de l’amour à la haine ou de la haine à l’amour… Ce qui a le don d’agacer surtout lorsque chaque retournement de situation semble à ce point catapulté.

Huiti_me02

Ne parlons même pas de la réalisation. Impossible de faire plus académique: plan large d’introduction, champs, contre-champs, rares inserts (seulement s‘ils servent la narration). Le tout monté sans réelle préoccupation rythmique.
Cette réalisation frôle les bas-fonds du ridicule lors des scènes de bord de mer. Tout le film ayant été tourné en studio, les personnages font semblant de marcher alors que derrière eux, un écran diffuse un travelling tremblotant de plages surpeuplées, dont la vitesse n’est pas synchrone avec la vitesse de marche des personnages.
Et qu’on ne me parle pas de charme suranné ou du fait que la technique n’en n’était encore qu’à ses balbutiements. Un film s’étudie pour ce qu’il a été, mais il s’apprécie et se respecte pour ce qu’il est au moment du visionnage. Or, ces séquences sont d’une laideur improbable et deviennent à leur insu l’un des éléments les plus comiques du film.

Et Billy Wilder dans tout ça ? Il était encore un inconnu à l’époque. On sent qu’il se démène comme il peut pour écrire des répliques qui font mouche mais, embourbé dans la lourdeur de l’intrigue, n’arrive pas à déployer tout son talent.
Il dira d’ailleurs bien plus tard de ce film qu’il « n’était pas un très bon film, juste un film correct ».
Impression partagée lorsque mot « The End » apparaît et qu’on se rend compte qu’on a déjà oublié la moitié de ce que l’on vient de voir…

Huitieme05

L’énigme de la « Lubitsch Touch » (Episode 01):

C’est le cinquième film de Lubitsch qu’il m’est donné de voir, et impossible de comprendre en quoi cet homme est considéré comme un grand réalisateur, et surtout pourquoi son œuvre bénéficie encore aujourd’hui de tant de sympathie.
Tant et si bien que la fameuse « Lubitsch Touch » tient pour moi de l’énigme.

Pour ne pas mourir idiot et pour pouvoir continuer à cracher intelligemment sur l’œuvre de Lubitsch, je me suis amusé à potasser et à compiler quelques documents sur le sujet.
Et il m’a fallut me rendre à l’évidence: personne ne sait ce qu’est la « Lubitsch Touch » mais chacun essaie d’en donner sa vision.
On peut toutefois, dans ce bouillonnement de théories, dégager deux grands courants de pensée:

Huitieme061. La « Lubitsch Touch », c’est un sens inné du ridicule:
Lubitsch lui-même disait que « tout se fonde sur la théorie qu’au moins deux fois par jours, le plus digne des êtres humains se rend ridicule… »
Cela n’a pourtant rien de très original puisqu'il s’inscrit dans la mouvance des « Screwball Comédies, aux côtés de nombreux réalisateurs tels Franck Capra, Howard Hawks, Léo McCarey ou encore Mitchell Leisen.
La « Screwball Comedy »: un sous-genre hollywoodien propre aux années 30-40, que l’on pourrait traduire par « comédie loufoque ».
Les thématiques traitées y sont toujours les mêmes: l’antagonisme sexuel (bataille des sexes, homme infantilisé vs femme dominante, divorce et remariage…), le conflit des classes et un travail sur la folie, le ridicule et l’excentrisme…
L’humour y est primordial, aussi bien par l’intermédiaire de joutes verbales que par des gags corporels.
Dans « La huitième femme de Barbe-Bleue », Lubitsch ne fait qu’appliquer ces recettes à la lettre; on ne peut donc parler ici de « Lubitsch Touch ».

Huitieme072. La « Lubitsch Touch », c’est un travail subtil sur les sous-entendus:
Nous sommes en 1938 et voilà près de 20 ans qu’a été mis en place le code Hays. Par l’intermédiaire du « Production Code Administration », un organe de censure, il interdit dans les films toute allusion aux crimes contre la loi et à la sexualité.
Certains cinéastes et parmi eux, Lubitsch, sont passé maître dans l’art de contourner cette censure. Ils redoublent d’inventivité pour catalyser les fantasmes sexuels du public dans des scènes en apparence anodines.
Il est amusant d’essayer de les déceler dans « La huitième femme de Barbe-Bleue ». Quand Nicole, par exemple, explique à Michael la méthode du Professeur Urganzeff et qu’elle lui montre comment se forcer à bâiller, on se croirait dans la scène culte de « Quand Harry rencontre Sally », lorsque Sally simule l’orgasme en plein restaurant.
Autre sous-entendu sexuel amusant, en toute fin de film: lorsque Nicole embrasse enfin Michael qui se trouve couché au sol. Un plan d’insert montre les jambes rabattues de celui-ci, se déplier lentement telle une érection géante.

Huitieme03

Mais dans ce film, Lubitsch va encore plus loin et réussit l'exploit de développer la thématique du sado-masochisme.
Les deux personnages passent leur temps à s’entredéchirer et ils aiment ça. Nicole semble prendre du plaisir à rabaisser moralement son mari, celui-ci lui rendant la pareille à coups de fessées.
Lorsqu’elle l’embrasse enfin pour la première fois, elle a pris soin de manger de l’oignon pour le dégoûter et accentuer un peu plus sa frustration.
Mais le meilleur exemple se trouve dans un court dialogue lorsque Nicole qui a violemment mordu Michael soigne la blessure à la teinture d’iode. Elle lui demande: « Ca fait mal ? ». Et lui de répondre en souriant: « Tu es gentille… »

Prétendre que Lubitsch joue sur la subtilité de ses sous entendus serait mentir, tant soixante-dix ans plus tard, certains frôlent le grotesque.
Pourtant cette « Lubitsch Touch » aura permis de représenter sur grand écran les fantasmes sexuels d’une société bâillonnée par les ligues de vertu.

Huitieme02

Après avoir visionné une deuxième fois ce film, en ayant pris soin de le replacer dans son contexte, en m’amusant à y repérer les sous-entendus sexuels, en décortiquant le calibrage de « Screwball Comedy », je dois avouer l’avoir trouvé beaucoup plus intéressant…
Et une question finit par pointer le nez, à l’écriture de cette critique. Doit-on juger un film pour ce qu’il est au moment où on le visionne, ou doit-on préalablement le remettre dans son contexte et tenir compte de ce qu’il a été ?
Chacun aura sa réponse et ses arguments.
Partant du principe qu’un « vrai » grand réalisateur sait jouer sur les deux niveaux (l’ancrage dans une époque/l ‘intemporalité de la réalisation et de la narration), et prétendant que, replacé dans son contexte, on pardonne beaucoup de choses à un film, j’opte pour la première solution.
Je persiste donc à dire que ce film n’a rien d’un grand film et que Lubitsch est loin d’être ici le grand réalisateur dont beaucoup vantent le génie…

 Aigreursdestomac


Quelquesmiettes

Le jour de leur mariage, Michael et Nicole sont assis côte à côte au milieu des convives alors que le photographe prépare la photo de groupe. Cherchant quelque chose dans les poches de son costume, Michael fait tomber des grains de riz…

MICHAEL (amusé)
Je n’ai pas porté ce costume depuis bien longtemps.

NICOLE
Qu’est-ce que c’est?

MICHAEL
Du riz.

NICOLE
Du riz ?

MICHAEL
Vous en vous en servez pas ici ? Chez nous, on en jette sur les mariés.

NICOLE (intriguée)
Et ça leur a porté chance?

MICHAEL
Nous avons passé six mois agréables…

Nicole semble interloquée.
Avant qu’elle n’ait le temps de dire quoi que ce soit, le photographe leur demande de prendre la pose et de sourire.

LE PHOTOGRAPHE
Attention… Souriez ! Un… Deux…

NICOLE (interrompant la photo)
Un instant! Nous revenons.

Elle emmène Michael avec elle dans la salle d’à côté, éveillant l’incompréhension des convives.

NICOLE
Vous avez été marié?

MICHAEL
Tout est en ordre, je suis divorcé. Pourquoi? Ça vous ennuie?

Après une longue discussion, Nicole va de désillusion en désillusion  et finit par comprendre que Michael a été marié sept fois…

NICOLE (outrée)
Sept mariages, sept divorces…

MICHAEL (impassible)
Six. Une est morte.

NICOLE (soudain inquiète)
Pardon?

MICHAEL
De mort naturelle.

Nicole semble soulagée.

17 juin 2009

HEDWIG AND THE ANGRY INCH un film de John Cameron Mitchell

Hedwig01TitreHedwig

Recette de John Cameron Mitchell.
Préparée par John Cameron Mitchell, Michael Pitt, Miriam Shor...

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 2001.
Bouffé dans la nuit du 31 Mai au 01er Juin 2009

Larecette

Hedwig (John Cameron Mitchell), chanteuse transexuelle, arpente avec son groupe de rock, les bars miteux américains. Chaque soir, elle raconte sa drôle de vie à un public plus que restreint: sa fuite de Berlin-Est grâce à un GI américain, son opération chirurgicale ratée qui l’a laissée mutilée…
Mais elle leur raconte surtout Tommy Gnosis (Michael Pitt), une rock star qui fut l’amour de sa vie, et qui l’a quittée en lui volant ses chansons…

Fraicheur

Disons-le tout de suite : « Hedwig and the Angry Inch » est un OFNI (Objet Filmique Non identifié). Il est un peu à l’image de son héro(ïne) : transgenre…Hedwig04
Amusons nous d’ailleurs à développer cette comparaison qui semble facile mais n’est pourtant pas anodine.
Hansel était un homme qui voulait devenir femme. L’œuvre était, elle, un « musical » de Broadway dont on a voulu faire un film.
Suite à son opération ratée, Hansel n’a plus rien d’un homme, mais n’est pas pour autant devenu femme : il est Hedwig, personnage androgyne, qui tient de l’icône et cultive son image à grands renforts d’artifices (perruques excentriques, sur-maquillage…) De la même manière, l’œuvre n’est plus une comédie musicale, mais n’est pas pour autant devenu un film : elle est un OFNI, comme nous le disions, quelque part à la croisée du biopic filmé, du clip, du dessin animé, du conte, du délire onirique, du bad-trip stylisé…
Et Hedwig évolue dans cet univers comme un poisson dans l’eau…

hedwig3C’est d’ailleurs là que réside l’originalité du film : Hedwig ne nous est pas montré comme une « bête de foire » évoluant dans un monde normatif.
Au contraire, l’univers qui nous est présenté semble l’être par son regard : tout y est baroque et coloré ; le rythme y est frénétique… Les personnages secondaires qui le peuplent n’ont pas besoin d’une grande profondeur psychologique ; ils ne sont là que pour graviter autour d’Hedwig. Il est le centre de l’univers qu’il nous présente et qu’il construit à son image.
Cette cohérence, cette fusion entre personnage et univers est d’ailleurs rendue crédible par le fait que John Cameron Mitchell est à la fois acteur et réalisateur de ce film.
Il semble habité par Hedwig et nous raconte son histoire par bribes. Des bribes qu’il parsème dans ses chansons, dans ses voix-offs ou encore dans des flashes-back ultra esthétisés…Hedwig02
Comme les pièces d’un puzzle que le spectateur doit reconstituer.

On pourrait d’ailleurs lui reprocher cette narration par bribes, tant le puzzle est d’une simplicité enfantine à reconstituer et tant la maigreur du scénario saute vite aux yeux…
On voudrait parfois qu’Hedwig prenne le temps, s’attarde sur certains aspects de sa vie, et qu’il cesse de passer d’un sujet à l’autre, d’une chanson à l’autre, de manière aussi frénétique.
On voudrait qu’il ôte sa perruque, se démaquille et se mette à nu un peu plus que dans ces quelques secondes qui parsèment le film. Quelques secondes où l’on découvre Hedwig dans toute sa fragilité, dans toute sa vérité…

Malgré son aspect rococo qui vire parfois au grand fourre-tout, « Hedwig and the Angry Inch » est malgré tout un bel objet filmique, qui vaut surtout le détour pour sa sublime bande-son…

Laissesursafaim


Quelquesmiettes

(A venir)

10 juin 2009

J'AI TOUJOURS RÊVE D'ÊTRE UN GANGSTER un film de Samuel Benchetrit

Gangster06Titregangster
Recette de Samuel Benchetrit
Préparée par Anna Mouglalis, Edouard Baer, Jean Rochefort, Bouli Lanners, Arno, Alain Bashung...

Mis en boîte en France, courant 2008.
Bouffé dans la nuit du 07 au 08 Mai 2009

Larecette

Quatre histoires dont le seul point commun est une cafétéria perdue au milieu de nulle part.
L’histoire d’un braqueur sans arme qui se retrouve à braquer une braqueuse armée…
L’histoire de deux kidnappeurs qui enlèvent une adolescente suicidaire…
L’histoire d’une rencontre entre deux chanteurs et d’un tube volé…
L’histoire, enfin, d’un groupe de septuagénaires qui rêvent d’un dernier casse…

Fraicheur

J’ai toujours rêvé d’être un gangster est une jolie surprise. Pas le genre de surprise qui vous prend aux tripes, vous retourne et vous laisse KO.
Non… Une petite surprise. Petite comme le budget de ce film sans grandes prétentions mais débordant d’une fraîcheur et d’un enthousiasme communicatif…

Gangster01Pourtant, choisir de réaliser un « film à sketches » tenait de la gageure pour Samuel Benchetrit. Surtout au vu des antécédents, où même les plus grands se sont cassés les dents.
Présentés comme un étal de fruits plus ou moins frais, les « films à sketches » sont bien souvent une tannée pour le spectateur, qui doit subir le médiocre pour mériter le meilleur.
Le récent Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch (auquel J’ai toujours rêvé d’être un gangster a souvent été comparé) ne déroge pas à cette règle, tant certains sketches y sont soporifiques.
Mais revenons à notre film.
Choisir de tourner dans un noir et blanc granuleux à l’heure de la Haute Définition et du surétalonnage systématique, tenait  aussi d'une certaine gageure.
Que Samuel Benchetrit opte en plus pour le format 4/3 alors que le monde entier ne jure plus que par le 16/9°, et il n’en fallait pas plus pour qu’il se retrouve taxé de snobisme.
    Gangster02
Beaucoup lui ont reproché le maniérisme de sa réalisation, l’interprétant comme un manque d’originalité et d’ambition. Certains ont même traité son film d’hommage prétentieux à un certain cinéma classique qui aurait, selon eux, beaucoup plus de valeur et d’intérêt…
Pour être honnête, jamais je n’échangerais mon DVD de J’ai toujours rêvé d’être un gangster contre un quelconque A bout de souffle, Le pigeon ou je ne sais quel Coffee and cigarettes, films d’une prétention et d’un ennui sans nom.

Bien sûr que Samuel Benchetrit utilise nombre de ces références, piochant pêle-mêle dans le cinéma muet, le roman photo, le film noir, la comédie à l’italienne, le cinéma belge, les pulp-fictions, et j’en passe… mais il semble tellement s’amuser, aussi bien d’un point de vue formel que d’un point de vue narratif, qu’on ne peut qu’être emporté par son enthousiasme…
Il crée ainsi un univers cohérent fait d’un bric à brac de références cinématographiques. Il finit même par rendre tangible un inconscient collectif, fruit des milliers d’heures d’images vieillies qui nous ont bercé depuis l’enfance.
Gangster04Et cet univers, bien que complètement décalé, nous semble étrangement familier. On finit même par y trouver nos propres références.
Il est d’ailleurs amusant, lorsque les critiques essaient de lister les films qui ont inspiré Samuel Benchetrit, d’entendre celui-ci répondre qu’il ne les a jamais vu…

Mais, plus que la création d'un univers référencé, et c’est là que réside l'intérêt du film, Samuel Benchetrit sublime la mélancolie, et la présente comme un véritable art de vivre.
Cette mélancolie suinte de partout : des murs décrépis de la vieille cafétéria, de ces septuagénaires qui ont été et qui ne sont plus, de cette lenteur assumée qui pousse les personnages au silence et à l’introspection…
Quelle meilleure image qu’un Edouard Baer silencieux pour illustrer cette mélancolie ?
Et qui mieux que Arno et Alain Bashung pouvaient en être les têtes de file ?

Arno et Alain Bashung… Ils sont pour moi le seul hic du film… Leur histoire semble tenir du clin d’œil Gangster03anecdotique. Leur jeu est plus que limité et leur lenteur devient vite agaçante.
En fait, aucun des deux chanteurs ne connaissait son texte en arrivant sur le plateau de tournage, et Samuel Benchetrit s’est trouvé obligé de leur dicter les dialogues pendant les prises. D’où ce rythme étrange, d’une artificialité dérangeante…
Alors que défile péniblement leur dialogue sans fin, on en vient même à se demander ce qu’ils ont à faire dans ce film qui parle de gangsters ratés…
Pourtant, à bien les regarder, avec leur drôle de dégaine, leurs voix qui en imposent, les hommes de mains qui les accompagnent (leurs musiciens), ils sont les seuls personnages du film à avoir réellement l’étoffe de gangsters…

Hautegastronomie


Quelquesmiettes

Cinq septuagénaires se tiennent immobiles dans une petite voiture à l’arrêt. Ils regardent fixement devant eux, de l’incompréhension dans le regard.
Partis à la recherche de leur vieille planque, du temps où ils étaient gangsters, les voilà face à une cafétéria décrépie, au beau milieu de nulle part.

VIEUX GANGSTER 01
Et merde… Ils ont détruit not’planque…

VIEUX GANGSTER 02
Et puis toute la forêt qui allait avec… Elle était belle c’te forêt…

VIEUX GANGSTER 03
C’est vrai qu’elle était belle cette forêt. J’aimai bien aller y faire des promenades. Surtout quand on restait planqué plusieurs semaines…

VIEUX GANGSTER 01
T’avais pas flingué un sanglier, une fois ?

VIEUX GANGSTER 03
Non c’était Joe… Il lui avait vidé deux chargeurs dans l’bide ; on n’a même pas pu le bouffer.

VIEUX GANGSTER 02 (sans émotion)
J’me souviens. C’était drôle…

Silence. Ils regardent toujours fixement la cafétéria, le regard mélancolique.

VIEUX GANGSTER 04
C’est incroyable comme tout change…

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